Je viens de sortir d'un concert de rock "engagé" ("Noir Désir puissance 10") où le chanteur hurlait "la révolution ne sera pas...Tééééléééévisééééeee" devant un public composé en majeur partie de viande saoule et de vieux qui semblaient ne rien avoir à faire dans un tel endroit. Je n'ai pas réussi à "rentrer dedans". Je ne sais pas si c'était du aux boules kiès ou tout simplement à l'ambiance, ma fatigue ou mon taux d'alcool dans le sang équivalent à...0, mais une chose est sure, j'étais plus là bas pour penser que pour réellement me défouler. Ce n'est pas de l'ennui, non, c'est seulement une situation curieuse qui vous pousse à réfléchir sur des tonnes et des tonnes de chose. Comme cet après midi lorsque, dans le TER, une jeune femme parlait à son enfant de 3 ans comme s'il était totalement stupide : "maiiis non...à DROITE ! en haut à DROITE je te dis !!". Bon, là il faut le dire, j'avais plus envie de rire qu'autre chose et j'ai croisé le regard de mon "voisin" (fou comme les relations se créent facilement dans ce genre de lieu. Le type assis à gauche devient ton voisin, le contrôleur ton copain..), lui aussi quelque peu..surpris. J'ai sorti le bouquin de Kant (Opuscules sur l'histoire) que je suis censée avoir lu depuis..hum...quelques semaines et j'ai lu une bonne page. Non, sérieusement, vous arrivez à lire de la philo dans une grande boite qui ne cesse de bouger ? C'est comme demander à un hamster de continuer à manger dans sa "boule" (seuls comprendront les heureux propriétaires de cette bestiole insignifiante). J'ai sans doute sorti le bouquin pour faire joli, pour créer un petit aura : "la jeune fille rousse qui lisait Kant sur la ligne Caen-Le Mans", rien de plus. Après tout, qui n'a pas un peu frimé ? Passons. Certains sortent dans ce fameux TER des fiches de révisions, des magasines d'économie, Le Monde. Moi j'ai beau étaler le contenu (stupide et ennuyeux) de mon sac sur la table, je n'arrive pas à me concentrer plus de deux minutes sur quelque chose. Mon regard sera happé par celui du jeune homme quelques rangs plus loin, ma main bousculée par les sacs énormes du baroudeur qui traverse le couloir, et mon esprit, lui, filera dans le paysage, dans les arbres qui défilent follement. C'est presque irréel, tout ce flou créé et le ciel qui reste, lui, intact, comme un arrière plan qu'on ne peut détacher une fois la scène terminée. Chaque détail joue son petit rôle dans cette grande affaire. La haie au loin m'aidera à me souvenir qu'il faut remercier P. pour son hospitalité, le fleuve qui s'étale me donnera soif, tout aura un sens, m'arrachera une idée, un brin de souvenir, qu'importe. L'important est de penser.
Ces longues minutes perdues dans l'immobilité et la chaleur pourraient sans doute me rendre folle si je voyageais trop souvent. Peut-on penser sans cesse ? Ne pas finir par tourner en rond ?
C'est pourtant pour cette raison que j'aime tant ces instants, passagers, éphémères. C'est un peu comme s'ils me ramenaient à moi, dans le calme ouaté d'un wagon matelassé.


Bon vous n'êtes pas suprêmement cons j'imagine, vous cliquez sur l'image si vous souhaitez la voir agrandie (et oui, elle est mille fois plus jolie agrandie et d'ailleurs, vous pourrez me jalouser indéfiniment rapport à la qualité "monstrueuse" de ladite photo).

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