Je me monte des montagnes, je m'enivre de paranoïa latente, de sentiments contradictoires. Tout à l'heure, je savais que ce soir, je serai euphorique, j'en avais la quasi certitude. C'est venu plus tôt que prévu, en sortant de la médiathèque, j'avais le sourire aux lèvres : j'avais trouvé LA solution pour vivre sans me sentir inutile. Elle se trouvait dans les petites annonces de Libé.
"Détenu, 33 ans cherche correspondance. Ecrire à (...)"
Ce matin, en philo, le prof nous posait cette question : "La guerre aux préjugés a-t'elle une fin ?"
Eh bien, j'ai découvert que la guerre, on pouvait la faire contre soi, contre ses propres ignorances. Je me souviens qu'un an auparavant, j'étais tombée sur une annonce exactement pareil et j'étais partie la montrer à mes parents avec le même entrain, tout plein de joie nouvelle. Ils m'avaient dit de me méfier. "Et s'il est libéré ? S'il a fait un très mauvais truc ? S'il devine qui tu es ?" En ressortant, je n'avais plus aucune envie d'écrire. Flippée, la gamine. En ce moment, je ne sais pas trop ce qu'il m'arrive, sans doute nos disputes récurrentes avec M., en tout cas, je n'me sens plus vraiment "poussée à vivre, à expérimenter". Je me voue corps et âme à la Terminale, histoire d'oublier qu'en dehors, rien ne va vraiment comme je veux. Enfin, n'exagérons pas non plus, je ne suis ni maltraîtée, ni abusée, ni malade. Je suis une adolescente normale, acnéique, à "kilos en trop" et personnalité pas vraiment marquée encore. Influençable par dessus tout, mais pas par les gens normaux, par les "charismatiques". Ou bien par les tendances (rock folk cet hiver), par les icônes (Brody Dalle, Dita Von Teese, Lolita, Kirsten Dunst...), des mouvements (les riot grrrl, les dandys, le rockabilly, le punk, le queer...).
Tout cela pour dire que la guerre non-violente que je souhaite me mener, c'est celle ci. J'irai lui écrire.

Je suis pleine d'idées. J'aimerais faire du Sophie Calle à ma manière, du VernisRouge (une bloggeuse disparue maintenant mais qui me fascinait). J'hésite entre le Tu et le Vous. Je veux être proche sans me dévoiler. Raconter des anecdotes mais je ne sais pas décrire. Avoir de l'inspiration et lui écrire toutes les semaines, lui envoyer un cadeau pour Noël... Dans la rue, je ne cessais de regarder autour de moi, comme une illuminée, je pensais sans doute avoir trouvé un "sens" à l'existence. Pourquoi vivre en quelque sorte. Il parait qu'il faut donner. Alors, je donne.
Je suis allée chercher Libé à la Maison de la Presse. Je voulais l'offrir à M., lorsqu'elle reviendra, parce qu'il y a tout un dossier sur Martyrs, le nouveau film de Pascal Laugier (avec Mylene Jampanoi, ou un truc de ce genre) parce qu'en ce moment, c'est sa nouvelle lubie. [Pardon pour mes phrases à rallonge]

Alors je cherche, partout. C'est la première fois que j'achète un journal. Nada. En fait, il était en rupture de stock. Et ça peut paraitre totalement con mais l'idée de savoir qu'il fallait venir tôt le matin pour l'acheter, parce que Libé était dévalisé par les A......tanais, eh bien, ça m'a fait vraiment du bien. Chaud au coeur. Comme lorsque notre maire socialiste a gagné aux élections municipales. Je me sentais portée par le flôt des gauchos, la liesse de la populasse. Indescriptible. Je me demande bien pourquoi l'idée de me savoir faire partie d'un groupe, d'une masse me donne autant de plaisir. Il faudrait que je demande au prof de philo. (Oui, parce qu'entre temps, il est devenu mon demi-dieu, lui. Je suis persuadée qu'il a réponse à tout, sous son petit pull en cachemire.) J'avais envie de montrer à tout le monde dans la rue que j'avais acheté Libé, c'est complètement idiot, oui oui.


Ca fait un bail que je n'avais pas écrit un article aussi long. En fait, si je n'écris plus tellement ce genre de chose, c'est que je me sens gauche (tiens tiens) en parlant du quotidien, je préfère les expressions imagées, un peu onyriques à la description de ma palpitante vie.

Répondre à cet article