"J'ai connu tous les parfums de ton corps. J'ai adoré celui, un peu amer, acide, que ma langue cueillait au creux de tes aisselles, ou cette saveur d'algue et de sucre, le goût de mer de tes lèvres cachées. Plus fidèle qu'aucun miroir, je peux te décrire et t'apprendre à toi même. Sans moi, tu ne saurais jamais quelle force détient ton regard quand le bonheur te submerge. Tu ignorerais cette grâce hésitante de ta démarche, qu'on pourrait croire de la timidité et qui est l'alanguissement du sommeil encore, quand tu te lèves le matin. Je n'ai rien tant aimé que ton dos nu et cette lenteur avec laquelle tu posais un pied devant l'autre, comme si chaque pas était une violence qui tentait de t'arracher à l'envoûtement de la nuit.

Lorsque je ferme les yeux, des images de toi se déroulent en un film que personne ne connaît. Il faut toute la ferveur de mon amour pour les avoir épiées, recueillies. Nul ne pourra me les voler, pas même toi si tu décidais de ne plus me revoir. Es-tu partie pour toujours ? Préfères-tu un autre homme ? Parfois cette crainte m'envahit. Dans un tumulte qui m'assourdit, ces visages que je possède de toi se bousculent : je ne sais qui tu es. Que me cache ton rire ? Que t'acharnes-tu à masquer lorsque tu baisses les paupières pour dissimuler un regard ?

Quand je t'embrassais avec passion, tu songeais déjà à ton départ. Tu pensais que je ne m'appercevrais de rien. Me croyant endormi, tu rangeais dans la valise un vêtement que je venais de t'offrir. Etait-il donc destiné à un autre amant, que tu imaginais sans le connaître encore ? C'était ta façon de provoquer le futur. Tu avais besoin aussi de te prouver ta liberté et que tu ne m'appartenais pas. Je pensais aux chats : on leur laisse la porte ouverte pour qu'ils ne songent plus à s'échapper.

Tu es partie pourtant. J'attends ton retour, ma belle. Tu as laissé une combinaison en soie, plus souple qu'une peau de serpent. Je viens la caresser mais elle file entre mes doigts. Elle aussi veut m'échapper. Pourquoi l'as tu abandonnée ici ? Pour me rappeler ton odeur ? Pour me persuader que tu reviendrais bientôt ? Je me suis endormi en la tenant et j'ai rêvé que mon visage était enfoui dans tes cheveux. Julia, je t'attends. Viens. Dans un jours, dans dix jours. Viens.

Henry"

La colline rouge de France Huser

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