Les mots se sont déversés dans ma bouche, je les ai sentis dégringoler jusqu'au fond de mon palais. Mes yeux commencaient à se mouiller de larmes et je ne pouvait plus rien dire. Il n'y avait que le vide à l'intèrieur et l'immensité à l'extèrieur. J'étais oppressée entre ces deux paradoxes, étouffée par le monde lui même et ses injustices. Oui je ne trouvais plus rien à dire, la tristesse comblait juste le vide, et mon silence devenait de plus en plus pesant. Personne ne s'était aperçu de rien. Je marchais dans la rue, du plus vite que je pouvais, pour essayer de le rejoindre. Je courais presque, même si j'avais le souffle coupé, la gorge sèche et la tête un peu renversée par toutes ces nouvelles que je venais d'apprendre. Mais j'avançais, comme on avançait vers l'infini, avec ce sentiment de confiance, cette promesse faite depuis la naissance, qu'un jour, tout se réaliserait. Ma vie défilait devant moi. Ou plutôt, ma vie avec lui, nos souvenirs. Même si l'on aurait pu croire que c'était après la mort que je courais, c'était bel et bien vers la vie. Même si mes yeux étaient si brouillés de larmes que je voyais à peine où j'avançait, j'avais cet espoir, cette confiance envers la vie. Et c'est pour cela que je ne m'arretais pas. Il suffisait de peu pour le rater de justesse et ne plus jamais le retrouver.
"Gare du Nord", malgrè mes sanglots, j'avais réussi à lire la grande pancarte et j'entrais ainsi, laissant derrière moi les visages effarés des passants. Oui, on ne voyait pas souvent une fille pleurer ainsi. Oui, en général, on ne voyait que les grises mines des parisiens rentrant du travail, ou les visages enthousiastes des visiteurs japonais arrivés depuis quelques jours dans la capitale. Je montais les escaliers, à toute vitesse, et je me disais, que si je loupais ce train où il m'attendait, c'était ma vie qui se terminait sur le quai de la gare, mon bel amour parti, ma vie foutue en l'air.
C'est bon, j'y étais, toute essouflée, le coeur fou, les jambes flageolantes, je m'avançais. Je scrutais la foule, les longs adieus des amoureux, les petites grands mères avec leurs valises, les petits jeunes en passage à Paris.
C'est ainsi que je le vis, comme moi, désespéré, essouflé, me cherchant aussi.


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